La Longue Guerre (1911-1922) & La Naissance de la Turquie
Le récit des derniers jours de l’empire ottoman est un sujet d’une actualité tragique à plus d’un titre : d’abord, parce que les frontières qui en sont issues, des Balkans au Proche-Orient, notamment à travers l’infâme accord Sykes-Picot, ont été la cause de bien des maux, passés et présents, d’autant que le vide béant du califat, socle fondamental de la civilisation islamique, n’a jamais été comblé par la suite ; ensuite, parce que cette phase de l’Histoire est peut-être la plus symptômatique d’une certaine attitude géopolitique du monde occidental qui n’a eu de cesse, à travers les siècles, de chercher à démembrer et diviser le monde musulman autant qu’il était humainement possible de le faire ; enfin, parce que les atrocités qui ont accompagné ces événements ont dramatiquement transformé le paysage de nombre de régions et continuent, de temps à autre, à revenir hanter l’Europe, tel un vieux démon auquel on pense, pétri d’humanisme, avoir définitivement tourné le dos mais qui nous rappelle ce dont l’on est réellement capable – les charniers de Srebrenica en témoignent.
En une analyse particulièrement instructive pour les musulmans modernes, cet ouvrage lève ainsi le voile sur les extraordinaires campagnes d’opinion qui, dans toute l’Europe chrétienne, ont œuvré à la déshumanisation du « Turc », indispensable préalable à toute action concrète en ce sens ; une véritable école de la haine qui, à travers la propagande de guerre, les mensonges et contre-vérités, les manipulations et caricatures, devait armer idéologiquement les génocidaires et justifier toutes les abominations : la destruction du sultanat ottoman en tant qu’entité politique, donc, mais aussi, et surtout, l’expulsion des musulmans d’Europe et le projet d’annihilation, à plus large échelle, du peuple turc – puisque les tueries devaient se poursuivre jusqu’en Anatolie. La chose est d’autant plus actuelle que cette obsession caricaturale n’a jamais véritablement quitté la conscience occidentale, comme l’illustrent aujourd’hui encore les réactions épidermiques et souvent tout à fait irrationnelles des élites politico-médiatiques hexagonales au sujet de la Turquie – toujours perçue sous le prisme de la menace du « couteau entre les dents », comme l’illustrent le dossier libyen ou « Sainte-Sophie », pour les manifestations les plus récentes de la chose – et plus généralement du monde musulman.
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