Ce livre, qui est le premier tome d’une série, est entièrement consacré à la valorisation du patrimoine éthico philosophique et théorico politique élaboré, depuis la seconde moitié du XIXe siècle, dans le cadre de la résistance des sociétés arabo-musulmanes, du Maghreb au Machreq — du Golfe à l’Océan, pour utiliser une formule devenue traditionnelle —, à la pénétration colonialiste occidentale, et à son prolongement néocolonial. Cette résistance s’est notamment exprimée, intellectuellement, politiquement et culturellement, à travers le mouvement de la Nahda, porté par une fraction des élites arabes. La Nahda, autrement dit le processus de réanimation de la nation arabo-musulmane, était envisagée comme un redressement civilisationnel. C’est d’ailleurs le sens de la racine arabe NHD, d’où provient le terme, et qui signifie justement « se lever », « se dresser », « être d’attaque ». On comprend bien la portée dynamique de ce mouvement. Multiforme, la Nahda s’est manifestée sur les terrains de la religion/spiritualité (théologie dogmatique, exégèse du Coran, sciences juridiques, soufisme), des beaux-arts et des belles-lettres (langue arabe, poésie, roman, musique, etc.), de la vie sociale (presse et journalisme, éducation, science, etc.), sans oublier un terrain essentiel, celui de la lutte anti-impérialiste et anticolonialiste. L’œuvre intellectuelle et culturelle de la Nahda n’est pas séparable, bien évidemment, des mouvements sociaux, des combats politiques, des affrontements armés contre le colonialisme qui mobilisèrent les sociétés arabes.
La Nahda va irriguer tout le XXe siècle, en posant une double question : comment en finir avec la dépendance (à l’égard du Nord occidental et de sa civilisation colonialiste et capitaliste) ? Comment surmonter la décadence interne, la « colonisabilité », pour reprendre la formule de l’intellectuel algérien Malek Bennabi, décadence qui fragilise les tissus sociaux et les structures mentales des sociétés du Maghreb et du Machreq, permettant ainsi à l’Occident de les dominer ? Le redressement civilisationnel est donc double, à la fois anti-impérialiste (libération) et réformiste (au sens de la désaliénation, de la réforme (islah) interne, réforme de nature psychique, sociale, culturelle et religieuse).
Certes, toutes les forces sociales et tous les courants de pensée qui vont dessiner, dans la nation arabe, l’espace idéologique et politique du XXe siècle (jusqu’à nos jours) ne se sont pas explicitement reliés à la Nahda. Mais, dès que ces forces et courants se posent comme des leviers de mobilisation sociale contre l’Empire, ils se situent, de fait, dans la même famille d’esprit que les hérauts de la Nahda du siècle précédent, les porte-voix de l’âme nationale civilisationnelle arabe.
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